mardi 18 novembre 2014

Grand-mère et petite-fille, une tendre complicité




"La grand-mère de Jade"
 Frédérique Deghelt

Editions : Un endroit où aller - Actes Sud - 2009



L’auteure


Journaliste et réalisatrice de télévision, voyageuse infatigable, avec Paris pour port d’attache, Frédérique Deghelt a déjà publié plusieurs romans dont les plus populaires sont :

  • La Valse renversante en 1995
  • La Vie d’une autre en 2007 
  • Je porte un enfant et dans mes yeux l’étreinte sublime qui l’a conçu en 2007
  • La nonne et le brigand en 2001
  • Les brumes de l’apparence en 2014



La 4ème de couverture
"J’ai beaucoup lu, depuis très longtemps. Je suis une lectrice assidue, une amoureuse des livres. On pourrait le dire ainsi. Les livres furent mes amants et avec eux j’ai trompé ton grand-père qui n’en n’a jamais rien su pendant toute notre vie commune.

Jade eut l’impression que Mamoune lui assénait cette révélation comme si elle avait fait le trottoir, transformant la lecture en une activité inavouable."


L’histoire

Jeanne âgée de quatre-vingts ans  ne peut plus vivre seule dans sa maison de Haute-Savoie depuis une chute dans sa cuisine. Ses filles sont bien décidées à la placer en maison de retraite médicalisée, ce qui n’est pas du goût de sa petite fille Jade qui s’empresse d’aller chercher sa grand-mère pour l’emmener chez elle, à Paris.

Jade adore sa « Mamoune » qui s’est toujours montrée tendre, attentionnée, chaleureuse, bref, le portrait vivant de la grand-mère idéale. La nouvelle cohabitation va lui permettre de découvrir la femme qui se cache derrière la seconde maman, mais surtout une véritable lectrice, une passionnée de livres…



Mon avis

J’ai beaucoup aimé, parce que c’est émouvant, touchant et plein de bons sentiments.

Cependant, il faut prendre ce roman pour ce qu’il est : une belle histoire.

Jade est célibataire, journaliste, la trentaine, elle habite un appartement parisien dans un quartier sympathique et ne semble avoir aucun souci financier.

Comme je l’ai précisé ci-dessus, « Mamoune » est la grand-mère idéale : elle sait se faire discrète, elle est attentionnée, cultivée, sensible, gentille, mobile et motivée pour aller de l’avant.

Toutes les conditions sont présentes pour que la vie commune soit possible. En serait-il de même si un homme venait s’installer avec Jade ?

Voilà ce qui m’a un peu gêné dans ce livre, ce petit côté moralisateur qui pourrait faire naître ou entretenir une culpabilité par ceux qui sont ou seront confrontés à ce problème délicat de l'autonomie des personnes âgées.  

Un blog très sympa à découvrir !

"Les vieilles dames et la lecture"

blog : http://artmic.eklablog.com/

mercredi 12 novembre 2014

Ecrire donne un témoin, ou au moins un miroir...





 

J’avais envie de vous présenter ce livre que je trouve saisissant. Stefan Zweig est pour moi « le Maître » pour traiter un sujet aussi délicat que celui évoqué ci-dessous.

"Lettre d'une inconnue"



La 4ème de couverture

Un amour total, passionnel, désintéressé, tapi dans l’ombre, n’attendant rien en retour que de pouvoir le confesser. Une blessure vive, la perte d’un enfant, symbole de cet amour que le temps n’a su effacer ni entamer.

Une déclaration fanatique, fiévreuse, pleine de tendresse et de folie. La voix d’une femme qui se meurt doucement, sans s’apitoyer sur elle-même, tout entière tournée vers celui qu’elle admire plus que tout.

Avec Lettre d’une inconnue Stefan Zweig pousse plus loin encore l’analyse du sentiment amoureux et de ses ravages, en nous offrant un cri déchirant d’une profonde humanité. Ici nulle confusion des sentiments : la passion est absolue, sans concession, si pure qu’elle touche au sublime.



Mon avis


C’est un livre troublant, presque dérangeant. Mais quelle merveille ! L’écriture de Stefan Zweig est tellement juste qu’il devient aisé d’éprouver de l’empathie pour cette jeune femme éprise d’un amour dévorant depuis sa tendre enfance pour un homme totalement indifférent.

Ce roman oppose véritablement les valeurs d’altruisme et d’égoïsme puisque chacun des protagonistes représente l’une d’elle. L’homme ne reconnait jamais cette jeune femme alors qu’il est le père de son enfant. Elle, s’efface autant qu’elle le peut pour ne pas l’envahir, le déranger et continuer à l’aimer secrètement.


« Celui qui aime projette dans l'autre sa propre image intérieure et s'attend à en voir le reflet. Dans l'amour vrai, on est deux, et il faut savoir préférer l'autre. » (Camille Belguise – Echos du silence)


Ce livre est une lettre, une lettre qui se veut libératrice comme un aveu que plus rien ne peut retenir. On ressent très bien, dès le début de la lecture que la « victime » n’attend plus rien, si ce n’est une délivrance ou le partage d’un amour le temps d’une lecture…



Quelques extraits


« Tous les hommes, tous, m’ont gâtée ; tous se sont montrés bons envers moi, toi, toi seul tu m’as oubliée, toi, toi seul, tu ne m’as jamais reconnue. »


« Toute ma vie, depuis que je suis sortie de l'enfance, a-t-elle été autre chose qu'une attente, l'attente de ta volonté ? »



« Nous dînâmes ensemble dans un petit restaurant. Sais-tu où ? Certainement non ; pourquoi distinguerais-tu cette soirée de tant d'autres semblables ? Une femme entre cent, une aventure dans une chaîne d'aventures déroulant éternellement ses anneaux. Et puis quel souvenir aurais-tu pu garder de moi ? Je parlais très peu, parce que c'était pour moi un infini bonheur de t'avoir près de moi et de t'entendre me parler. Je ne voulais pas gaspiller un seul instant de ta conversation par une question ou par une sotte parole. »


mardi 11 novembre 2014

Dans les brumes de Modiano




Toujours dans la découverte des œuvres de cette rentrée littéraire 2014, je viens de terminer le dernier livre de Patrick Modiano  -  Prix Nobel de littérature 2014  -


« Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier »


L’auteur 


Patrick Modiano est un écrivain français né d'un père juif italien (Albert Modiano) et d'une mère belge flamande, débarquée à Paris en 1942 pour tenter sa chance comme comédienne.
Il fait ses études à l'école du Montcel à Jouy-en-Josas, au collège Saint-Joseph de Thônes (Haute-Savoie), puis au lycée Henri-IV à Paris. Ayant pour professeur particulier de géométrie Raymond Queneau, un ami de sa mère qu'il rencontre alors qu'il a quinze ans, il décroche son baccalauréat à Annecy, mais n'entreprend pas d'études supérieures.  Sa rencontre avec l'auteur de Zazie dans le métro est cruciale. Introduit par lui dans le monde littéraire, Patrick Modiano a l'occasion de participer à des cocktails donnés par les éditions Gallimard. Il y publiera son premier roman en 1967, 'La Place de l'Étoile' (qui sera couronné du prix Roger Nimier),  après en avoir fait relire le manuscrit à Raymond Queneau. À partir de cette année, il ne fait plus qu'écrire.

En 1970 Patrick Modiano épouse Dominique Zehrfuss. De cette union naîtront deux filles, Zina (1974) et Marie (1978).
En 1978 'Rue des boutiques obscures' a reçu le Prix Goncourt.
En 2000, il reçoit le Grand prix de littérature Paul-Morand pour l'ensemble de son œuvre.

Auteur,  à la sensibilité écorchée, d’une trentaine d’ouvrages - notamment ‘Remise de peine’, ‘Voyage de noces’, ‘Chien de printemps’, ‘Des inconnues’, ‘Accident nocturne’, ‘Un pedigree’… -, il publie en 2007 ‘Dans le café de la jeunesse perdue’, roman portant sur le Paris des années 1960. Patrick Modiano est aujourd’hui reconnu comme l’un des écrivains les plus talentueux de sa génération. Il a par ailleurs signé les scénarios de quelques films.

En 2014, à l'âge de 69 ans, il reçoit le prix Nobel de littérature et devient ainsi le 15ème auteur français à recevoir cette distinction.


Un avis…


Finalement, comme j’ai lu trois livres de cet auteur au cours de ce trimestre, il m’a semblé intéressant de  vous présenter les deux autres qui selon moi sont très proches. En effet, chez Modiano on évolue souvent dans une brume plus ou moins épaisse, avec des personnages en quête de leur passé ou de leur identité. Dans les trois romans qui illustrent ce billet sur Modiano, il s’agit d’intrigues plus surprenantes les unes que les autres. J’aime les ambiances de ces bouquins ou règne un climat typiquement parisien un peu démodé. Pour chacune de ses trois histoires, je me suis vraiment demandé qu’elle pourrait être la fin… Je ne le sais toujours pas !

Amateurs de « happy end » et d’intrigues résolues, passez votre chemin, chez Modiano on reste sur sa faim, on devine ou on imagine la fin !


Roman sur l’amnésie


Rue des Boutiques Obscures – Goncourt Général 1978


4ème de couverture : 


Et qui pousse un certain Guy Roland, employé dans une agence de police privée que dirige un baron balte, à partir à la recherche d’un inconnu, disparu depuis longtemps ? Le besoin de se retrouver lui-même après des années d’amnésie ?

Au cours de sa recherche, il recueille des bribes de la vie de cet homme qui était peut-être lui et à qui, de toutes façons, il finit par s’identifier. Comme dans un dernier tour de manège, passent les témoins de la jeunesse de ce Pedro McEvoy, les seuls qui pourraient le reconnaître : Denise Coudreuse, Freddie Howard de Luz, Gay Orlow, Dédé Wildmer, Scouffi, Rubirosa, Sonachitzé, d’autres encore, aux noms et aux passeports compliqués, qui font que ce livre pourrait être l’intrusion des âmes errantes dans le roman policier.



Une jeune femme à la recherche de sa mère


La Petite Bijou – Editions Gallimard – 2001


4ème de couverture : 


« Quand j’avais sept ans, on m’appelais la Petite Bijou. »

Il a souri. Il trouvait certainement cela charmant et tendre pour une petite fille. Lui aussi, j’en étais sûre, sa maman lui avait donné un surnom qu’elle lui murmurait à l’oreille, le soir, avant de l’embrasser. Patoche. Pimky. Poulou.

« Ce n’est pas ce que vous croyez, lui ai-je dit. Moi, c’était mon nom d’artiste. » 


Un passé perdu dans la brume de la mémoire


Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier

4ème de couverture : 
 

« – Et l'enfant? demanda Daragane. Vous avez eu des nouvelles de l'enfant?
– Aucune. Je me suis souvent demandé ce qu'il était devenu... Quel drôle de départ dans la vie...
– Ils l'avaient certainement inscrit à une école...
– Oui. À l'école de la Forêt, rue de Beuvron. Je me souviens avoir écrit un mot pour justifier son absence à cause d'une grippe.
– Et à l'école de la Forêt, on pourrait peut-être trouver une trace de son passage...
– Non, malheureusement. Ils ont détruit l'école de la Forêt il y a deux ans. C'était une toute petite école, vous savez...»


lundi 10 novembre 2014

Rentrée littéraire 2014 - Mon coup de coeur




A l’occasion de la rentrée littéraire 2014, on a beaucoup entendu parler d’Eric Reinhardt. Je ne le connaissais pas.
Mais voilà, après la lecture de son dernier livre objet de mon présent billet,  je me suis empressée d’en acquérir deux autres tellement j’ai aimé celui-ci ! (Le système Victoria et Cendrillon).


L’amour et les forêts - Eric Reinhardt 
Editions Gallimard – août 2014 


Voici ce qu’on peut lire en 4ème de couverture :


A l’origine, Bénédicte Ombredanne avait voulu le rencontrer pour lui dire combien son dernier livre avait changé sa vie. Une vie sur laquelle elle fit bientôt des confidences à l’écrivain, l’entraînant dans sa détresse, lui racontant une folle journée de rébellion vécue deux ans plus tôt, en réaction au harcèlement continuel de son mari. La plus belle journée de toute son existence, mais aussi le début de sa perte.

Récit poignant d’une émancipation féminine, L’amour et les forêts est un texte fascinant, où la volonté d’être libre se dresse contre l’avilissement.




L’auteur 


Eric Reinhardt, né à Nancy en 1965, est romancier et dramaturge. Il vit et travaille à Paris. Ses deux derniers romans, Cendrillon (2007) et Le système Victoria (2011), ont rencontré un important succès.






Mon avis

Je ne m’attendais pas à une histoire pareille ! Une torture psychologique au sein d'un couple est un sujet que l’on rencontre moins souvent ou que l’on évoque peu. Quand on parle de violence conjugale, on pense généralement et plus spontanément à la violence physique. Il s'agit dans ce roman d'un mal bien plus insidieux, on touche à la perversité. Comme une perfusion où le goutte-à-goutte de malveillance imprègne petit à petit sa victime jusqu'à l'anéantir. 

Je me suis laissée emporter et convaincre par cette histoire bouleversante. J’avais lu auparavant quelques critiques où certains lecteurs ne comprenaient pas la soumission de Bénédicte et reprochaient à l’auteur une histoire un peu « tirée par les cheveux ». Peut-être n’ont-ils pas lu ce livre jusqu’à la fin ? Les derniers chapitres livrent à mon sens les raisons de cette servilité et de cet abandon.

J’ai trouvé dans cet ouvrage une analyse psychologique pertinente ainsi que beaucoup de sensibilité. J’ai partagé avec beaucoup d’émotion les épreuves de Bénédicte pour me laisser submerger page 328…

J’ai vraiment beaucoup aimé ce livre ainsi que le style de l’auteur. Un grand merci Eric.




 Quelques extraits


« Regardez, l’ai-je entendu me dire, regardez comme la lumière est belle, vous avez raison de l’affirmer dans votre livre, c’est à l’automne que la lumière est la plus belle, aujourd’hui elle est miraculeuse, on la sent vibrer dans l’atmosphère comme des milliards de particules. J’ai l’impression que si j’avance la main vers la beauté de cette vision je vais pouvoir la toucher et qu’elle va réagir, comme quand on pose les doigts sur le pelage d’un chat. »


« Non, le monde se divise entre ceux qui vivent l’urgence et la beauté suffocant d’une folle passion – et ceux qui ne vivent pas l’urgence et la beauté suffocante, étourdissante, obsessionnelle, d’une folle passion. »

« Mais cet amour n’existait pas, c’est son besoin d’aimer qui a créé chez elle la nécessité de cet amour, elle s’est trouvée enchaînée à une chimère dont elle savait au fond d’elle-même qu’elle n’avait pas d’existence, mais à laquelle, malgré tout, elle n’a jamais cessé de croire, parce que Bénédicte était incapable de vivre sans croire. »

« Il est allé chercher la lumière. Le lierre, au départ, il est rampant, mais dès qu’il trouve un support pour grimper, il s’élève vers la lumière. Ce n’est pas comme le gui, il n’est pas parasite, il ne tue pas les arbres. »