dimanche 25 janvier 2015

Une Irlandaise à découvrir...



Je vous propose aujourd’hui de découvrir, si ce n’est déjà fait, une auteure que j’affectionne depuis que j’ai lu il y a plusieurs mois un de ses livres : L’étrange disparition d’Esme Lennox. 
Ce livre m’avait littéralement happé tant par l’intrigue que par l’écriture sensible et féministe.  J’ai pour habitude de ne pas lire deux livres du même auteur à la suite, c’est pourquoi j’ai ouvert le second il n’y a que deux semaines. Celui-ci, bien que très différent dans la construction de l’histoire, n’en est pas moins intriguant et émouvant. 


"Cette main qui a pris la mienne"

De Maggie O’Farrell



L’auteure


Cette Irlandaise de quarante trois ans a passé sa jeunesse entre le pays de Galles et l’Ecosse. Elle est devenue journaliste après des études littéraires à Cambridge. Son premier roman « Quand tu es parti » a rencontré un tel succès qu’elle a décidé d’abandonner son poste de rédactrice en chef pour se consacrer à l’écriture.



Bibliographie

  • Quand tu es parti, octobre 2000 (traduit par Marianne Veron)
  • La maîtresse de mon amant, mars 2003 Belfond (traduit par Michèle Valencia)
  • La distance entre nous, septembre 2005 Belfond (traduit par Michèle Valencia)
  • L’étrange disparition d’Esme Lennox, mars 2008 Belfond (traduit par Michèle Valencia)
  • Cette main qui a pris la mienne, avril 2011 Belfond (traduit par Michèle Valencia)
  • En cas de forte chaleur, janvier 2014 Belfond (traduit par Michèle Valencia)







Un extrait de la 4ème de couverture – Editions Belfond


Lexie a accompli son rêve : rejoindre Londres pour y devenir journaliste. Insolente, sûre d'elle, la jeune femme évolue triomphalement dans le fougueux Soho des sixties, menant de front sa vie professionnelle et de mère célibataire. Jusqu'au jour où le destin se rappelle à elle...
Quarante ans plus tard, Elina, une jeune artiste d'origine finnoise, vient de mettre au monde son premier enfant. Un accouchement qui a failli lui coûter la vie et dont le souvenir obsédant menace de détruire son couple.
Car depuis la naissance, son mari Ted se comporte de façon très étrange, comme si son inconscient se réveillait d'un profond sommeil. En quête désespérée d'une main qui le guiderait à travers les zones d'ombre de son enfance, Ted va mettre au jour un terrible secret. Un secret qui unit intimement Lexie et Elina...





Mon avis


Une fois encore, l’écriture de Maggie m’a séduite et captivée. L’histoire est éclatée entre plusieurs voix, comme dans « l’étrange disparition d’Esme Lennox ». Dans ce roman choral, nous découvrons petit à petit la vie de Lexie dans les années cinquante et celle d’Elina qui se déroule dans les années quatre-vingt dix.
 Même si la condition féminine est une fois de plus présente dans ce roman, elle est traitée en arrière-texte. La filiation et les secrets de famille sont les thèmes majeurs de « Cette main qui a pris la mienne. »
Je suis toujours autant impressionnée par le talent de Maggie O’Farrell  qui parvient à mêler passé et présent sans que le lecteur ne se perde. Bien au contraire, elle l'entraîne dans les méandres de la vie de ses protagonistes sans lui lâcher la main, le confronte à l'amnésie omniprésente pour lui offrir le dénouement qu'elle a choisi.
Ce roman est troublant, captivant, émouvant, bien construit et sa chute à la hauteur des quatre-cents pages qui la précédent. 







Quelques extraits 

"Doucement elle se lève et, le corps du bébé pressé contre elle, elle descend l'escalier à tâtons, sans quitter des yeux le petit visage. Son fils. Il est sorti d'elle. Elle le sait parce que Ted l'a dit et parce que la forme de son front et la boucle de cheveux qui l'orne lui rappellent son propre père."

"Avoir un bébé vous incite sans doute à revivre votre enfance, se dit-il. Les choses auxquelles on ne pense jamais refont soudain surface."

"Je n'ai commis aucun crime, rétorque-t-elle avec un peu trop de chaleur, car l'injustice est encore cuisante. Je sortais d'un examen et j'ai emprunté la porte réservée aux hommes. Je n'aurai par le droit de passer mon diplôme si je ne présente pas des excuses."

"Mon Dieu ! souffle-t-il. J'ai encore fait ce cauchemar... horrible. J'étais dans la maison et j'entendais quelqu'un parler quelque part. Je te cherchais partout, je t'appelais, mais je n'arrivais pas à te trouver. Et puis je suis entré dans notre chambre et tu étais assise dans le fauteuil, je te voyais de dos, tu avais Jonah dans les bras. Je posais la main sur ton épaule et, quand tu tournais la tête, je m'apercevais que ce n'était pas toi, mais quelqu'un d'autre, c'était..."






dimanche 18 janvier 2015

un, deux, trois, un, deux, trois





L’invitation à la Valse

De Rosamond Lehmann


L’auteur

Rosamond Lehmann est née en 1901 à Bourne End (Buckinghamshire). Elle décède en mars 1990 à l’âge de 89 ans.
Elle fait partie des romancières anglaises qui traitent avec habileté et précision des sentiments intimes et des émotions secrètes. 
Rosamond a évolué dans un milieu favorisé et cultivé : sa mère était diplômée d’histoire et son père rédigeait des articles pour un journal satirique et était l’auteur de recueils de poésie.
C’est à l’âge de dix-sept ans qu’elle part à Cambridge pour faire ses études



Son roman « Poussière » (1927) sans être autobiographique, est largement inspiré de cette partie de sa vie. Ce livre considéré comme très osé pour l’époque à valu à Rosamond une notoriété immédiate et internationale.




La romancière épouse en 1928 le peintre Wogan Philipps et aura deux enfants : Hugo et Sally.
D’autres romans sont également inspirés de sa vie : «Intempéries » (1936 qui fait suite à L’invitation à la valse) où son héroïne Olivia doit faire face à l’échec de son mariage et devient la maîtresse d’un ami d’enfance  et « Une note de musique » dans lequel elle analyse le comportement et l’indifférence d’un couple



Comme pour Olivia, le mariage de Rosamond est un échec et elle deviendra la maîtresse notoire du poète Cecil Day Lewis. Ce dernier divorcera, mais hélas pour la romancière, le poète épousera une jeune actrice. Ce sera pour elle un affront et une blessure qu’elle aura beaucoup de mal à surmonter.





Un autre livre marquant est l’autobiographie « Le Cygne au crépuscule » dans lequel elle relate les émotions éprouvées  à la naissance de sa fille Sally et lors de son décès brutal à l’âge de 24 ans des suites d’une polio.




4ème de couverture

La relecture aujourd’hui de l’invitation à la valse, outre la parenté de son auteur avec le Valery Larbaud d’Enfantines qu’elle explique révèle assez bien le parfum de scandale qui entoura Rosamond Lehmann dans les lettres anglaises.
Car l’érotisme voilé de ce roman –qui ne déparerait pas une œuvre de Nabokov- emporte le lecteur dans un tourbillon d’humour et de sensualité qui ne finira jamais de tourner aussi longtemps qu’il y aura des jeunes filles en fleurs et qu’on se souciera de ce sentiment bien mystérieux et souvent pervers qu’on appelle l’amour.





Livres traduits en français

Poussière, Plon, 1929 (rééd. Phébus, 2009)
Une note de musique, Plon, 1931
L'Invitation à la valse, Plon, 1933
Intempéries, Plon, 1936 (rééd. 10/18, 1982)
Adieu chansons !, Plon, 1940
La Ballade et la Source, Plon, 1946
L'Enfant de la bohémienne, Plon, 1948
Le Jour enseveli, Plon, 1953 (rééd. Phébus, 2010)
Le cygne au crépuscule: Fragments de vie intérieure, Plon, 1968
L'Arbre de mer, Plon, 1978

L’histoire

Nous sommes  en 1920 à Little Compton. Olivia est la fille de l’héritier et ancien Directeur des papeteries de Tulverton, aujourd’hui à la retraite. Elle évolue donc dans un milieu favorisé, même si la guerre a largement contribué à la diminution de leur train de vie.
C’est un grand jour, celui de son anniversaire ! Elle recevra de ses parents pour ses dix-sept ans, un cadeau qui la comble : une soie rouge qu’elle confiera à sa couturière pour que cette dernière transforme l’étoffe en robe de bal.
Ce premier bal où elle doit se rendre avec sa sœur Kate et un cousin éloigné qui, selon les règles de bienséance, doit  les accompagner pour être leur cavalier.
Olivia rencontre lors de cette soirée des jeunes gens très différents les uns des autres. Elle se lie d’amitié avec certains mais fuit devant le comportement étrange d’un invité affublé d’un tic qui semble en savoir bien plus qu’elle sur la vie et les relations amoureuses…


Mon avis

J’ai trouvé ce livre intéressant et comme pour « Poussière » l’analyse est fine et ciselée. Si le sujet est léger, on ne tombe jamais dans la sensiblerie ou la mièvrerie avec cette auteure.
Sont relatés avec sensibilité, émotion, humour et même dérision, les rêves, les espoirs, l’exubérance, la naïveté,  la candeur mais aussi le début de la volupté et de la sensualité d’une jeune fille de dix-sept ans.
Olivia vit très fortement les différents épisodes de cette soirée comme on peut les vivre à son âge, et c’est en cela que je trouve Rosamond Lehmann brillante, car j’avais presque dix-sept ans quand j’ai lu son livre !


Quelques extraits ?

« - Cette jeune fille en vert, avec une petite cape, c’est ma sœur, dit Olivia.
Il n’allait certainement pas exercer sa critique  sur Kate. Celle-ci dansait pour le moment avec le docteur Parkes ; il l’examina d’un œil froid et incisif.
-  Hum !  La jeune fille chaste et pure. Une véritable nymphe. Une nymphe à l’eau de guimauve. Bon Dieu ! Il y a bien, dans toute cette salle, en fait de sex-appeal, juste de quoi émoustiller un canari ! Mais qu’est-ce que vous avez, ô vierges d’Angleterre ?




« Je me demande si je vais continuer ce journal. »
Et après une nouvelle pause : 
« Avis aux jeunes rédactrices de journaux intimes.
« Soyez indulgentes envers vous-mêmes. Cachez vos pires défauts, laissez de côté vos plus honteuses pensées, actions et tentations. Accordez-vous toutes les bonnes et intéressantes qualités que vous voudriez avoir, et que vous n’avez pas. S’il vous arrivait de mourir jeunes, quelle consolation serait-ce pour vos parents de connaître la vérité, et d’avoir à se dire : « Ce n’est pas une perle que nous avons perdue, c’est un pourceau » ? »

samedi 3 janvier 2015

Ce sont des choses qui arrivent...







"Ce sont des choses qui arrivent"

De Pauline Dreyfus
Edition Grasset – août 2014

L'auteure

Pauline Dreyfus est journaliste, écrivain. Elle est née le 19 novembre 1969. Elle est la petite-fille de l'écrivain journaliste Alfred Fabre-Luce et fille de l'avocat Tony Dreyfus 

Elle est l'auteur d'une biographie de Robert Badinter.
Elle décroche le Prix des Deux Magots avec "Immortel, enfin" en 2012.

4ème de couverture
1945. Saint-Pierre-de-Chaillot, l’une des paroisses les plus huppées de Paris. Toute l’aristocratie, beaucoup de la politique et pas mal de l’art français se pressent pour enterrer la duchesse de Sorrente. Cette femme si élégante a traversé la guerre d’une bien étrange façon. Elle portait en elle un secret. Les gens du monde l’ont partagé en silence. « Ce sont des choses qui arrivent », a-t-on murmuré avec indulgence.
Revoici donc la guerre, la Seconde Guerre mondiale, la guerre de Natalie de Sorrente. A l’heure où la filiation décide du sort de tant d’êtres humains, comment cette femme frivole va-t-elle affronter la révélation de ses origines ?
Les affaires de famille, ce sont des choses qu’on tait. La littérature, ce sont des choses qu’on raconte.
Dans ce roman où l’ironie est à la mesure du fracas des temps, Pauline Dreyfus révèle une partie du drame français.

Mon avis

 « Ce sont des choses qui arrivent » est le deuxième roman de Pauline Dreyfus, le premier que je découvre et qui m’a totalement convaincue.
J’ai été absorbée dès les premières pages, car j’ai trouvé le sujet très original et superbement traité.  L’occupation vécue du côté de l’aristocratie est en effet un thème que je n’avais pas encore rencontré dans la littérature. 
A la mort de sa mère, Natalie de Sorrente, maman de deux enfants dont le dernier né est le fruit d’une relation adultère (ce sont des choses qui arrivent… ), doit faire face à une révélation qui va complètement bouleverser sa vie.
L’écriture très précise de Pauline Dreyfus, notamment sur la période trouble du Gouvernement de Vichy est également empreinte de sarcasme, c’est un régal ! 

C’est un coup de cœur. C’est assurément un livre à lire si le sujet vous interpelle.


 

Quelques extraits

Un jour qu’une cousine de son mari d’autant plus à cheval sur la généalogie qu’aucun parti ne lui semblait à la hauteur de la sienne, lui avait lancé : « Mais au fond, votre nom ne vaut rien ! », Elisabeth avait eu suffisamment d’esprit pour répondre « Pas au bas d’un chèque… » - ce qui l’avait fâché pour toujours avec cette branche de la famille.

L’époque n’est pas trop cruelle pour ceux qui ont les moyens d’en contourner les rudesses. A Paris, on se passe les adresses de ces restaurants du marché noir où l’on mange aussi bien qu’autrefois.


La préfecture de police est débordée. Chaque jour, les sacs de jute apportés par les facteurs vomissent leurs mille cinq cents enveloppes. Ecrites en pattes de mouche ou en élégantes lettres anglaises, signées « Une Aryenne indignée » ou « Des voisins inquiets », ces lettres anonymes dénoncent en vrac les francs-maçons, les trafiquants du marché noir et bien sûr les juifs.

A Reims, des résistants locaux sont venus chercher Melchior de Polignac. Il dormait encore dans son château des Crayères. Ces jeunes gens, portant des brassards de fortune où les lettres FFI avaient été cousues à  la diable, ne lui ont même pas laissé le temps de s’habiller : c’est en pantoufles et en robe de chambre qu’on l’a emmené en prison. Depuis, il a été transféré à Fresnes où il attend son procès. La nouvelle n’a étonné personne, car ni lui ni sa femme, bien qu’elle soit américaine, ne faisaient mystère de leurs sentiments germanophiles.