dimanche 11 septembre 2016

Je m'en vais



Je m'en vais

Jean Echenoz 
Les Editions de Minuit - octobre 1999

Mon avis

Je rencontre l'écriture de Jean Echenoz avec ce titre et j'en suis ravie.
Superbe plume. Une maîtrise parfaite.
Il me semble que cet auteur pourrait transformer une  histoire ordinaire en chef d'oeuvre.
J'ai aimé le sarcasme en demi-teinte, l’œil amusé, que Jean Echenoz a apporté dans son récit. 
Son personnage central, Ferrer est tout à fait crédible et proche du lecteur.
Ce n'est pas une intrigue haletante que l'on trouve ici, mais l'histoire d'une vie presque ordinaire qui devient petit à petit peu commune...
A découvrir sans hésiter !




Résumé de l'éditeur

Ce n’est pas tout de quitter sa femme, encore faut-il aller plus loin. Félix Ferrer part donc faire un tour au pôle Nord où l’attend, depuis un demi-siècle, un trésor enfoui dans la banquise.

Quelques extraits


"Mais les paroles, une fois émises, sonnaient trop brièvement avant de se solidifier : comme elles restaient un instant gelées au milieu de l'air, il suffisait de tendre ensuite une main pour qu'y retombent, en vrac, des mots qui venaient doucement fondre entre vos doigts avant de s'éteindre en chuchotant."

"On les connaît, ces échanges de coups d’œil intrigués que s'adressent à première vue mais avec insistance deux inconnus l'un à l'autre et qui se plaisent aussitôt au milieu d'un groupe."

"Entrés en vigueur en 1995, les accords de Schengen instituent, on le sait, la libre circulation des personnes entre les pays européens signataires. La suppression des contrôles aux frontières intérieures, ainsi que la mise en place d'une surveillance renforcée aux frontières extérieures, autorisent les riches à se promener chez les riches, confortablement chez soi, s'ouvrant au plus grand les bras pour mieux fermer aux pauvres qui, supérieurement bougnoulisés, n'en comprennent que mieux leur douleur."

Le dernier des nôtres



Le dernier des nôtres
Adélaïde de Clermont-Tonnerre
Grasset - août 2016





Mon avis

Rien d'extraordinaire dans ce roman. 
L'histoire se raconte sur deux périodes : 1969-78 et 1944-1945.
Les stéréotypes, le pseudo-romantisme mièvre, les clichés américains beaucoup trop présents dans la partie des années 70 m'ont particulièrement agacée. L'auteur affadit ses personnages, les dépouille d'authenticité et les élève à la hauteur d'un téléfilm.  
La deuxième période me semble beaucoup mieux traitée. On sent que l'auteur maîtrise parfaitement les événements historiques liés à de cette période trouble de l'histoire. Les protagonistes y trouvent leur place et sont crédibles. On peut enfin se laisser prendre dans l'intrigue qui commence. 
C'est une lecture facile qui trouvera probablement son public.
Pour moi, c'est un roman "à cloche-pied". J'ai gardé un pied au sol une fois sur deux... 

Adélaïde de Clermont-Tonnerre



Résumé de l'éditeur


« La première chose que je vis d’elle fut sa cheville, délicate, nerveuse, qu’enserrait la bride d’une sandale bleue… » Manhattan, 1969 : un homme rencontre une femme.
Dresde, 1945 : sous un déluge de bombes, une mère agonise en accouchant d'un petit garçon.
Avec puissance et émotion, Adélaïde de Clermont Tonnerre nous fait traverser ces continents et ces époques que tout oppose : des montagnes autrichiennes au désert de Los Alamos, des plaines glacées de Pologne aux fêtes new-yorkaises, de la tragédie d’un monde finissant à l’énergie d’un monde naissant... Deux frères ennemis, deux femmes liées par une amitié indéfectible, deux jeunes gens emportés par un amour impossible sont les héros de ce roman tendu comme une tragédie, haletant comme une saga.
Vous ne dormirez plus avant de découvrir qui est vraiment « le dernier des nôtres ».



 

L'amie prodigieuse



L'amie prodigieuse

TOME 1 - Enfance, adolescense.

Elena Ferrante - Gallimard / Folio



Elena Ferrante

Résumé de l'éditeur

«Je ne suis pas nostalgique de notre enfance : elle était pleine de violence. C’était la vie, un point c’est tout : et nous grandissions avec l'obligation de la rendre difficile aux autres avant que les autres ne nous la rendent difficile.» 
Elena et Lila vivent dans un quartier pauvre de Naples à la fin des années cinquante. Bien qu’elles soient douées pour les études, ce n’est pas la voie qui leur est promise. Lila abandonne l’école pour travailler dans l’échoppe de cordonnier de son père. Elena, soutenue par son institutrice, ira au collège puis au lycée. Les chemins des deux amies se croisent et s’éloignent, avec pour toile de fond une Naples sombre, en ébullition. 


Mon avis
La photo de couverture, au premier regard, laisse entrevoir deux petites filles rieuses, insouciantes, innocentes.
En y regardant d'un peu plus près... ce blouson semble un tantinet trop grand, les bottillons disgracieux, les coiffures mal soignées. 

L'environnement de Lena et Lila est celui de la misère des quartiers pauvres de Naples dans les années 1950. Une misère indéfectible qui contamine inlassablement les familles pour en faire des êtres durs, insensibles et violents. L'éducation devient un luxe dans cette mouise.
Pourtant, au milieu de ce monde rustre, sauvage et poisseux, une amitié forte va naître entre une petite fille calme et studieuse et une gamine crâne, intrépide et brillante.
Elena Ferrante donne vie à une relation vraie mais curieuse entre les deux enfants. Pour donner de la force à cette entente singulière, elle utilise un vocabulaire incisif, des phrases qui ne laissent aucune place au sentimentalisme et à la tendresse.
Bien au contraire, le lecteur plonge immédiatement dans l’âpreté du quotidien et dans l'agressivité latente. 
Avec cette auteure, ce n'est pas gratuit : l'amour, l'amitié, on les devine, on gratte, on fait une pause, on réfléchit un peu... oui ils sont bien là les sentiments, englués dans cette misère quotidienne où l'épanchement n'a pas sa place.
Quelle intensité !

Quelques extraits

"Si tu me payes, c'est moi qui me chargerai de lui faire suivre des études, disait Rino.
- Des études ? Pourquoi, j'ai fait des études, moi ?
- Non.
- Et toi, tu as fait des études ?
- Non.
- Alors pourquoi ta sœur devrait en faire alors que c'est une fille ?"

"Tout à coup les cris cessèrent, et quelques instants plus tard mon amie vola par la fenêtre, passa au-dessus de ma tête et atterrit derrière moi, sur le bitume.
Je restai bouche bée. Fernando se mit à la fenêtre, hurlant toujours d'horribles menaces à sa fille. Il l'avait lancée comme un objet.
Je la regardai consternée tandis qu'elle tentait de se relever et me disait avec une moue presque amusée : "Je me suis même pas fait mal !"
Mais elle saignait et s'était cassé le bras.